vendredi 11 mars 2016

Lettre ouverte aux Maires du Vignoble et à la Députée

Mesdames, Messieurs les Maires du vignoble, Madame la Députée,

Plusieurs d'entre vous se sont exprimés dans un dossier spécial de l'Hebdo de Sèvre et Maine en date du 25 février dernier consacré au projet d'aéroport de Notre Dame des Landes. Dans les arguments développés par certain-e-s on voit revenir comme un leitmotiv autour du respect ou non de la démocratie. C'est tout à votre honneur d'avoir ce souci. Il conviendrait alors d'examiner attentivement les conditions dans lesquelles ce projet a été élaboré et « vendu » aux élu-e-s. Tout le projet quant à son intérêt voire sa nécessité repose sur un travail conduit par la DGAC (Direction Générale de l'Aviation Civile) un service de l’État dépendant directement du Ministère de l'Ecologie, du Développement Durable et de l'Energie. C'est à dire, pour faire simple, que l’État, pour justifier son projet, fait réaliser par ses propres services le dossier qui sert de « débat » aux élu-e-s. Avouez qu'en matière de démocratie on peut faire beaucoup mieux.

Mais dans ce dossier il y a plus encore, la DGAC justifie ses choix en s'appuyant sur des « expertises » qu'elle cite dans son rapport mais qu'elle ne communique à personne… Il a fallu plusieurs recours auprès de la Commission d'Accès aux Documents Administratifs pour qu'elle consente (par obligation) à communiquer une partie de ces expertises. Les documents révèlent alors de larges failles, voire des erreurs manifestes que d'aucun n'hésite pas à qualifier de mensonges. Par exemple, dans le dossier examinant l'alternative de réaménagement de Nantes Atlantiques la DGAC appuie ses calculs sur des préconisations qui vont au-delà des préconisations de la DGAC elle-même… Elle indique par exemple que la reconstruction du chenil (120 m² d'enclos et de 70 m² de bureaux) se monterait à 600 000 € soit un coût de 3157 € du m² ! La même DGAC prévoit à Nantes-Atlantique de porter la piste à 3600 m alors que la plus longue des pistes à Notre Dame des Landes est de 2900 m (la même longueur que la piste actuelle)…

Le Canard enchaîné, de son, côté, se procure le dossier de demande de permis de construire du projet d'aéroport et on y découvre que la nouvelle zone d'accueil des passagers sera de 2 670 m2, alors qu'elle est de 4 200 m2 à Nantes-Atlantique. Il y aura 28 comptoirs d'enregistrements, dont 16 "conventionnels", et 12 "simplifiés", c'est à dire automatiques (c'est bon pour l'emploi...°). A Nantes-Atlantique, il y en a actuellement 34. La zone de sûreté passerait de 8 postes à 7. Les salles d’embarquement auront une superficie de 2 850 m2 contre 3 775 actuellement. Les passerelles passent de 5 à 2, et les parkings pour les avions, de 23 à 20 places… Comprenne qui pourra !

Voilà pour les éléments constitutifs du dossier du nouvel aéroport. Peut-on encore parler de démocratie et de respect des élu-e-s??

Maintenant la question économique...Plusieurs d'entre vous reprennent à leur compte le discours sur le développement économique de notre région, sur les emplois créés… Sur quoi vous basez-vous pour affirmer ainsi que le transfert d'aéroport du sud au nord va générer plus d'activités, plus d'emplois et plus de développement ? En quoi le nouveau site provoquerait ainsi ce « boom » économique ? Aucune étude sérieuse n'a été réalisée, aucune étude ne permet d'affirmer cela. Pourtant cela aurait pu être fait… Le Président de l'Association des Ailes pour l'Ouest, Alain Mustière, a occupé pendant 9 ans le poste de Président du CESR (devenu CESER). Il était donc à même de s'autosaisir d'une telle étude à défaut d'une saisine de l’État ou de la Région… Rien ! Pas question de mettre tout cela sur la table.

On nous parle du chantier et pour faire bonne mesure on parle en millions d'heures de travail (5,4 selon les porteurs du projet, 3500 emplois)… En chiffres plus lisibles pour chacun-e d'entre nous, c'est, en réalité, 750 équivalents temps pleins pour la durée du chantier (4 années). Mais les entreprises qui seront retenues ont déjà leurs salariés, certaines auront recours aux sous-traitants et à des salariés « à bon compte » venus de pays socialement moins contraignants… Alors de quels emplois parle-t-on ? Pire, où s'installeront les entreprises aujourd'hui basées autour de l'aéroport ? Pour l'instant rien de prévu à Notre Dame des Landes. Actuellement basées à proximité immédiate du périphériques, de la gare de fret et du port, quel intérêt pour elles de réinvestir dans des nouveaux locaux éloignés des infrastructures actuelles ? Quid de l'emploi en sud Loire ? Autant de questions qui sont laissées dans l'ombre, dans le non dit et qui révèlent ainsi la supercherie. Il serait donc bon que les élu-e-s du vignoble puissent disposer des éléments objectifs, fiables et sérieux avant de reprendre ce refrain du développement économique et des bienfaits du projet d'aéroport.

Et pour terminer, pour montrer encore mieux en quoi le dossier Notre Dame des Landes est un détournement démocratique, un petit détour par les questions environnementales… Tous les experts qui ont travaillé sur le site et les conséquences que fait courir la construction d'un aéroport sur la zone bocagère de Notre Dame des Landes sont d'accord, le projet met gravement en cause la biodiversité du site. C'est d'ailleurs pour cette raison que l'Union Européenne a « épinglé » l’État français pour le non respect des dispositions de protection de l'environnement. Le premier Ministre lui-même s'est laissé aller récemment à énoncer des contre-vérités flagrantes sur la prétendue menace que fait courir l'actuel aéroport sur la lac de Grand Lieu, battant en brèche tous les travaux conduits depuis plusieurs années dont ceux de Loïc Marion, ancien directeur de la réserve naturelle. Ces déclarations de Manuel Valls ont été faites alors même qu'un rapport de la DREAL réalisé en 2014 indique que « les survols du lac par les avions en phase d'atterrissage à Nantes-Atlantique ne seraient pas nuisibles aux milliers d'oiseaux qui y trouvent refuge ». Et souligne que « le transfert de l'aéroport à Notre-Dame-des-Landes ouvrirait la porte à l'urbanisation des terres situées autour de lac de Grand-Lieu, avec à la clé une "imperméabilisation qui serait préjudiciable aux équilibres écologiques de la réserve". Le directeur adjoint de la DREAL s'est empressé de préciser : "C'est un document d'information qui ne s'inscrit dans aucune procédure et qui n'avait donc pas vocation à être rendu public". Et vous voudriez encore qu'on nous parle de démocratie ?

Pour toutes ces raisons, il me semble que les propos que plusieurs d'entre vous ont tenu récemment dans l'Hebdo de Sèvre et Maine auraient besoin d'être relativisés et replacés dans un contexte moins empirique, plus soucieux de l'avenir à long terme de notre territoire en lien avec les dispositions de la COP 21.

Bien respectueusement,

Jean-Marie Morel
Citoyen engagé pour l'avenir de la planète

Ci-dessous clip réalisé par une jeune graphiste que nous nommerons Camille (elle souhaite rester anonyme car en recherche d'emploi) comme une contribution à la lutte contre ce grand projet inutile. Elle s'est servie de la lettre ouverte. Qu'elle soit remerciée pour ce travail et cette action citoyenne.

 https://drive.google.com/file/d/0Bw9vtd0n0-SnYkJncHZKRnJRSTA/view